Morceaux de ciel
CROA 10/08/2015

CROA du 10 Aout 2015

Alors voici un petit CROA de ma nuit au mont Bessou. Situé en Corrèze sur la commune de Meymac, en plein cœur du parc régional de Millevaches, c'est le point culminant du limousin, à 975m d'altitude. Loin de toute grande ville, le site est très bien préservé de la pollution lumineuse. En prime, alors que les sommets de la région sont plutôt boisés, la tempête de 1999 a défriché une plaine de 7 Ha sur ce sommet, que le conseil général a décidé de conserver pour les activités de plein air. Le résultat est une vue extrêmement bien dégagée côté sud, ce qui donne notamment plein champ sur l'aigle, le scorpion et le sagittaire. Bref un site idéal. Une antenne TSF de 190m surplombe cette prairie, mais les "strobes" ne sont pas très violents et ne gênent pas l'observation. Par contre un promontoire de 25m a été construit et est éclairé jusqu'à minuit. Inutile d'être trop pressé pour commencer sa soirée.

Ce 10 Aout donc, le ciel était bien dégagé, avec une voie lactée qui descend bien après l'aigle. Le temps en plaine était relativement brumeux, mais par chance, cette brume était en dessous du site d'observation, ce qui m'a laissé un zenith pur et clair. Par contre je n'ai pas pu trop profiter de tout ce qui était assez bas en altitude. J'ai quasiment fait l'impasse sur le sagittaire... je n'étais pas venu pour le sport mais pour une petite soirée d'observation peinard. Je le garde pour la prochaine fois !

Armé du Dobson 600 pour viser le ciel, j'ai commencé par quelques classiques en guise d'échauffement. Saturne dans le Scorpion pour attendre la nuit et l'extinction des feux, mais aussi pour satisfaire la curiosité des passants qui se demandaient ce qu'était ce drôle de truc dans lequel j'essayais d'observer, perché sur mon escabeau... la résolution n'était pas optimale (début de soirée oblige) mais j'avais tout de même de superbes couleurs qui m'ont permis de détailler les nuages ocres qui ceinturent la belle à son équateur. Les anneaux se détachaient relativement bien, avec une division Cassini assez facile.

Puis le très classique mais toujours agréable amas d'Hercule (M13), qui s'apprécie même sans un ciel parfaitement noir. Il permet d'évaluer le piqué du ciel, qui ne semble pas trop mal en ce début de nuit, et ce bel amas globulaire nous offre une sphère étincelante, qui tient bien la route par rapport aux observations habituelles.

Minuit, Le belvédère s'éteint, les choses sérieuses peuvent démarrer. La voie lactée saute soudain à la figure, et les constellations deviennent difficiles à discerner, signe de très bonnes conditions. Histoire de jauger plus avant le ciel, je fais un essai sur M51 puis M101. Leurs spirales se laissent capturer sans trop de soucis, mais elles sont décidément trop basses en cette saison pour espérer du grand spectacle.

Pas grave, on enchaine avec quelques nébuleuses planétaires :
* Blue Snowball (NGC 7662) qui reste assez petite mais qui apparait assez floconneuse. J'aurais du pousser un peu le grossissement sur celle la... la prochaine fois.
* L'Haltère (M27) proche du zenith, qui remplit largement le champ (à 240x et 100°) et se détache très proprement du ciel avec le filtre OIII. Les "quatres quarts" se discernent sans difficultés, et apparaissent assez cotonneux. Je parviens en particulier à apercevoir de façon nette l'arc en forme de banane qui constitue une des deux oreilles. Jamais je ne l'avais vu, et encore moins avec une netteté aussi propre. Pour tout dire ça commence à ressembler à ce qu'on voit sur les photos... Décidément ce ciel en a à revendre.
* L'anneau (M57) qui prend son allure de "globule rouge" plutôt propre, et dont on prend bien conscience de l'asymétrie, avec son côté droit un peu plus allongé. A nouveau semblable à ce qu'on voit en photo.
* Et enfin descente vers Helix (NGC 7293), dont la forme se signale bien en OIII, mais qui reste faiblarde car basse sur l'horizon (et aussi dans la brume).

On approche des 1h, la voie lactée est bien moutonneuse vers le sud. Je me risque à descendre vers la constellation de l'Ecu, toujours chaussé du filtre OIII, pour aller pointer la nébuleuse de l'aigle (M16). La nébuleuse est bien présente, avec ses deux grandes voilures qui se propagent de part et d'autre de l'amas central. Je parviens à détourer la zone sombre au centre, qui semble couper la nébuleuse en deux. Mais toujours impossible de discerner des structures précises (je manque de pratique sur ce Messier). Je passe à la nébuleuse Omega (M17) qui m'offre un spectacle bien meilleur, avec d'une part la zone brillante en forme de "canard posé sur l'eau" qui se voit assez nettement lézardée de traits sombres, puis tout le reste de la nébuleuse en arrière-plan, comme si ce canard fantomatique émergeait d'un nuage de brume qui se déchire sur son passage. Puis je descends jeter un œil rapide sur la Lagune(M8), qui se laisse admirer malgré la brume à basse altitude. La zone centrale ceinturée de son énorme chevron sombre se détaillent aisément en avant plan des nébulosités environnantes.

Un petit intermède galactique s'impose, en commençant par la grande galaxie d'Andromède. Oui je sais un T600 n'est pas forcément le meilleur instrument pour la capturer, mais j'apprécie de "matter" la partie est du disque, avec le noyau qui semble éclairer toute la zone, et les deux principales bandes sombres, se distinguant aisément, et trahissant la nature spirale de la belle. Ainsi, la grande sœur de la voie lactée me fait pleinement prendre conscience de sa taille, et de l'immensité de notre cosmos.

On bascule de l'autre côté d'Andromède pour aller pointer la galaxie du triangle (M33) et sa structure spiralée si délicate à deviner. Quelques nodosités sont visibles dans les bras, mais pas du grand spectacle non plus. Il faudra y revenir lorsqu'elle sera plus haute.
En attendant, cap sur NGC 7331 dont le centre est assez brillant, et qui m'a montré de bien belles extensions (avec sa légère dissymétrie nord / sud, et la petite NGC 7335 qui l'accompagne). Une galaxie assurément plus étendue que ce qu'on voit habituellement si on ne prend pas le temps de s'y attarder. Mais j'ai déjà pris le chemin du quintette de Stephan ! Je l'avais déjà deviné au 400mm, aperçu au 500mm, puis ciblé au 600 le mois dernier, mais sans pouvoir vraiment lui donner une forme. L'astérisme que dessinent les centres galactiques se trouve assez facilement avec un peu de pratique. Mais là, j'ai pu ENFIN détailler les disques galactiques de façon tout à fait évidente, notamment l'ovoïde de NGC 7320, les tachouilles irrégulières que montrent les deux NGC 7318, et même l'arc de marée qui se jette depuis NGC 7319. Une bien belle sensation que de se balader à 250 millions d'AL...

On termine les galaxies du coin avec NGC 891 qui apparait sans trop de difficulté (hormis un petit temps de pointage). Elle se dessine assez discrètement sur le fond de ciel bien présent (altitude relativement peu élevée au moment de l'observation), et montre son renflement central et son profil effilé. Sa bande sombre se laisse attraper sans recourir à la vision décalée, ce qui n'est pas si mal .

Je remonte vers Cassiopée pour un essai rapide sur les nébuleuses du cœur & de l'âme en OIII, que je parviens à détecter sans soucis, mais auxquelles il est toujours aussi difficile de donner une forme, tant ces objets sont étendus (le 600 et ses 2m de focale ne me permet pas de les embrasser en entier)

Le meilleur restait à venir. J'avais jeté un œil aux dentelles du cygne en début de soirée, qui étaient assez intéressantes, mais je les ai vite laissées pour pouvoir y revenir lorsque les conditions seraient meilleures. Il est aux alentours de 2h, c'est le bon moment pour remettre le cap dessus en OIII. Je pointe sommairement la région, pour chercher les grandes dentelles que je peine à trouver. Je tombe alors sur des filaments que je n'ai pas encore trop l'habitude d'observer, et je me rends compte que je suis sur le triangle de Pickering, qui est très proprement visible, et envahit tout le champ à 140x. Je me recale sur 52 Cygni pour apercevoir le fabuleux ruban des petites dentelles, qui semble dessiné au crayon avec de très fines bordures, et se propage très loin après l'étoile en premier plan. Puis viennent les grandes dentelles, dont la netteté m'a proprement étonné. A 170x, C'est un ensemble de filaments qui s'enchevêtrent sans fin, même lorsqu'on remonte vers le haut de ce gigantesque arc gazeux, dont les volutes sont d'une facilité déconcertante à visualiser. Hormis la couleur, c'est aussi détaillé que les meilleures photos amateur, et pour tout dire, je ne pense pas qu'une photo saurait vraiment restituer cette impression d'immensité que l'on ressent en naviguant parmi les restes de ce rémanent. Une expérience vraiment unique, ou j'ai enfin pu profiter du 600 mm "à fond de balle" ce qui ne m'était pas encore vraiment arrivé depuis 6 mois.

Pour atterrir, je termine par quelques objets familiers, comme la nébuleuse du croissant (NGC 6888), dont le contour se détache bien. Je parviens à discerner le fond de cette bulle de Wolf Rayet sans trop de peine. Puis on redescend sur terre avec un coup d'œil sur le double amas de Persée, qui vient de se lever à l'est. C'est qu'il est 2h30, je commence à mettre genou à terre... Un petit roupillon pour reprendre des forces, puis c'est le rangement du matériel et le chemin du retour vers un sommeil bienvenu, avec de bien beaux souvenirs en tête, et l'envie de revenir sur ce site d'observation qui vaut sacrément la peine !

Merci d'avoir eu la patience de me lire jusqu'au bout :).

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